Raphaël Di Meglio (Matera) : « Pensez par vous-mêmes »

Cash, entier, sans filtre et impertinent, mais aussi intègre, ambitieux, persévérant et résilient : point fort ou point faible quand on lance son entreprise ? Pour Raphaël Di Meglio, la question ne se pose pas.

Entrepreneur au cuir épais et aux avis parfois tranchés, Raphaël s’est donné le défi de repenser le business du syndicat de copropriété en 2017, alors qu’il se trouve encore sur les bancs de l’école.

100 000 clients et 50M€ levés plus tard, l’affaire est désormais bien lancée et Matera est l’un des membres les plus éminents de la proptech française actuelle.

Découvrez l’humain derrière l’entreprise à succès dans cette interview exclusive !

Quelle est la chose dont tu es plus fier aujourd’hui ?

Déjà, c’est le feedback de salariés en interne qui me disent qu’ils n’auraient jamais pensé être heureux dans une entreprise et qu’ils ont découvert ça chez Matera. En ce moment, on a un collaborateur, Maxence, qui se barre chez Alan et qui m’a dit que l’environnement qu’on a créé et la culture d’entreprise qu’on a est extraordinaire et ça, j’en suis particulièrement fier.

La deuxième chose, côté clients, c’est l’impact qu’on a sur le quotidien des gens en leur faisant faire des économies, en leur permettant de retrouver de la transparence et de la communication avec leurs voisins, sur l’efficacité dans la résolution des problèmes qu’ils peuvent avoir. En fait, j’ai toujours voulu faire un peu de politique et je trouve que c’est une bonne manière d’en faire tout en étant aligné avec mes valeurs.

Comment tu fais pour gérer ton équilibre vie pro / vie perso ?

Je pense que ça peut parfaitement être une réalité. Je suis assez mal à l’aise avec le cliché du dirigeant qui n’a jamais le temps de voir ses enfants. Je pense que c’est assez faux et je pense que c’est même l’inverse, dans le sens où quand tu es entrepreneur, tu peux aussi un peu adapter ton emploi du temps comme tu le souhaites, beaucoup plus que d’autres personnes qui sont plus contraintes. Donc je ne pense pas que ce soit une chimère. Je pourrais être meilleur là-dedans, mais il faut démystifier l’entrepreneur qui n’a jamais le temps pour rien.

Est-ce que tu as une organisation personnelle, des routines, une discipline de vie qui te permet de compartimenter ou de mener de front tout ce que tu as à faire ?

Non, je le fais très mal et je suis un très mauvais exemple à ce niveau. Il y a une période de ma vie où j’y arrivais très bien, c’était pendant le Covid. J’étais confiné à Lacanau, à côté de Bordeaux, où j’avais un coach. J’allais courir à 7h du matin avec les biches et les sangliers. J’étais hyper organisé, c’était super bien, j’étais super productif. Et dès le déconfinement, quand je suis retourné à Paris, j’ai perdu toutes mes bonnes habitudes et je suis retombé dans une spirale où je fais tout en même temps. Je suis assez bon pour multitasker, mais du coup je suis mauvais quand il s’agit de rester focus sur un problème pendant deux heures. C’est une grande frustration personnelle !

Est-ce qu’il y a une boîte que tu aurais aimé lancer toi-même dans l’écosystème ?

Je dirais Front, créé par Mathilde Collin. En fait, j’ai l’impression que dans l’exécution et dans ce qu’ils dégagent, ce sont des monstres, des machines de guerre et la boîte a un potentiel qui est extraordinaire. Ils sont particulièrement inspirants. Après, ce n’est pas le produit qui me fait le plus rêver, parce que ça reste de la gestion d’email pour du support.

Je trouve que la manière dont Mathilde communique est super positive. Pour aider son frère, elle a dit ciao à ses équipes pendant 6 mois. C’est une boite qui a des métriques qui sont assez extraordinaires.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu aurais aimé réaliser plus tôt ?

J’aurais aimé qu’on se diversifie plus tôt. Je me rappelle plein de réunions où on analysait Doctolib par exemple, parce qu’ils font du SaaS sur une certaine verticale : ils font un calendrier pour les médecins et ils ont réussi à scaler sur des centaines de millions d’AARRR sur ces calendriers. Et donc nous, on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse la même chose sur notre produit, c’est-à-dire rester monoproduit et le faire à la perfection pour qu’on scale notre revenu. Mais en fait le parallèle a ses limites et je suis assez convaincu aujourd’hui que le potentiel de Matera réside plus dans la proposition d’un écosystème que d’un produit unique.

Est-ce qu’il y a une rencontre que tu as fait ces dernières années qui t’a marqué ? Quelqu’un qui t’inspire particulièrement ?

Dans l’immobilier, il y a pas mal de gens qui se regardent le nombril et qui sont assez corporatiste. Et en fait, il y a quand même pour moi un mec qui a une voix qui détonne un petit peu, qui a une forme de noblesse que je trouve marrante et qui a une indépendance d’esprit, c’est Henry Buzy-Cazaux.

C’est quelqu’un qui était chez Foncia, à la FNAIM, qui a fait toute sa vie dans l’immobilier, dans les grands groupes, et qui aujourd’hui a une forme d’indépendance d’esprit et de liberté qui est assez inspirante. Et je trouve que ça détonne pas mal dans ce milieu qui est très corporatiste où tout le monde se serre les coudes sans tenir compte de l’intérêt du consommateur.

Est-ce qu’il y a une app dans ton tel que tu recommanderais à tout le monde d’avoir ?

Il y a une app pour laquelle j’ai coupé les notifications et ça m’a changé un peu la vie : c’est Slack. Depuis, j’ai beaucoup plus de liberté sans perdre en productivité.

Sinon, il y a une boîte que j’aime bien et que j’utilise assez souvent, c’est Getaround. Je trouve ça assez évident de pouvoir louer sa voiture entre particuliers. Ils ont une app et un produit qui fonctionnent bien. C’est un modèle que j’aime bien, qui a un peu de mal à scaler, mais c’est une app que j’utilise beaucoup.

Est-ce qu’il y a une personne qui évolue dans le monde de la tech ou de l’entrepreneuriat que tu me recommanderais d’avoir à ce micro ?

Eh bien Mathilde Collin ! J’aimerais l’entendre plus.

Est-ce qu’il y a un conseil qu’on t’a donné dans la vie qui s’est avéré très utile ?

Mes parents ont voulu lancer un restaurant italien. Et ma mère, elle a toujours dit que c’était cool de lancer un restaurant, mais qu’il ne faut pas mettre la clé sous la porte du jour au lendemain. Et du coup, il faut aussi acheter les murs du local. Et je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression que c’est un truc qui résonne pas mal en moi : il ne faut pas se contenter de faire des trucs à la surface, mais il faut vraiment aller au bout des choses et construire des fondations qui sont solides et structurées. Quand on fait un truc, on y va à fond et on le fait bien, tout en se mettant des sécurités

Tu ferais quoi comme job si tu n’étais pas CEO de Matera aujourd’hui ?

Footballer ! Ou alors de la politique. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun parti qui m’inspire outre mesure.

Est-ce qu’il y a un son que tu écoutes en boucle en ce moment ?

Tout l’album de L’école du micro d’argent d’IAM. C’est une vraie référence que je peux écouter sans m’en lasser.

Tu peux nous dire un truc sur toi que les gens seraient surpris d’apprendre ?

Ma quantité de travail n’est pas supérieure à la moyenne de la quantité de travail des collaborateurs de Matera. Si on prend Elon Musk par exemple, il arrive à gérer trois ou quatre boites en même temps et personne n’en est surpris. Mais c’est parce que quand tu as des équipes qui sont super fortes en interne, tu peux te reposer sur elles et penser à d’autres trucs. Il faut casser ce mythe de l’entrepreneur qui est tout le temps busy et qui a 10 000 trucs à faire.

Est-ce qu’il y a une habitude que tu essayes de prendre ou au contraire d’arrêter en ce moment ?

Une habitude que j’aimerais prendre, c’est arriver à me poser plus sur un même sujet stratégique pendant un certain temps, sans être allé voir les notifications Slack, sans aller discuter avec quelqu’un.

Est-ce qu’il y a un bouquin qui t’a marqué que tu nous recommanderais ?

J’aime beaucoup le XXᵉ siècle et les bouquins un peu historiques comme les mémoires de De Gaulle ou de Churchill. Tu y apprends beaucoup, c’est tellement extraordinaire. Ce sont des époques qui sont géniales à découvrir et à comprendre. Et c’est tellement bien écrit ! Tout le monde devrait les lire.

Si tu devais donner un conseil à quelqu’un qui voudrait avoir ton parcours, ce serait lequel ?

En fait, je lui dirais deux choses. Premièrement, pense par toi-même, n’écoute pas ce que les gens disent à propos de quelque chose, va te faire ton propre avis. Et si c’est pour lancer une boîte, en l’occurrence, va écouter des clients et va écouter les problématiques concrètes des gens et essaie de construire quelque chose par rapport à ça. Ca permet de gagner beaucoup d’avance sur tout le reste.

Et la deuxième chose, c’est exécute. Avance, fais quelque chose parce qu’on a beaucoup tendance à réfléchir à des sujets, à créer des notes, à envisager des choses… Mais le nombre de personnes qui font le pas d’après est beaucoup plus limité et il y a vraiment un goulot d’étranglement entre les deux.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.